Maurice intensifie les efforts de lutte contre l’épidémie de tabagisme
Port Louis - Sutrajeet Ghuburrun a fumé sa première cigarette alors qu’il n’avait que 16 ans. Pendant 40 ans, ce chauffeur de taxi vivant à Bel Air, un village situé à l’est de Maurice, a fumé entre 15 et 20 paquets de cigarettes par jour. Même s’il connaissait les méfaits du tabagisme depuis longtemps, ce n’est qu’en 2022, à la suite d'une angioplastie coronaire (intervention visant à élargir les artères rétrécies), qu’il a finalement arrêté de fumer. Aujourd’hui, il est davantage soucieux de sa santé. Aujourd’hui âgé de 56 ans, il déclare avoir adopté une routine de marche quotidienne et sensibilise les personnes de son entourage à abandonner cette pratique extrêmement dangereuse. « Je me sens désormais en bien meilleure santé », affirme-t-il. « Je mange et je dors bien. »
L’histoire de Sutrajeet n'est pas un cas isolé à Maurice, où plus d'un homme sur trois fument, ce chiffre a atteint 48 % chez les hommes âgés de 25 à 34 ans. Mais la situation change. En 2022, les autorités Mauriciennes ont entrepris une action concertée pour réduire la prévalence du tabagisme. L’île Maurice a depuis lors adopté une série de mesures supplémentaires, notamment des dispositions réglementaires et fiscales plus strictes en matière de lutte contre le tabagisme, tout en intensifiant les campagnes de sensibilisation et l’aide gratuite au sevrage. Toutes ces mesures s’inscrivent dans le cadre du Plan d’action national de lutte contre le tabac (PANLT) 2022-2026, qui complète les efforts déployés par le pays pour atteindre l’Objectif de développement durable des Nations unies consacré à la santé et au bien-être.
La réglementation de 2022 relative à la santé publique (restrictions sur les produits du tabac) fournit le cadre législatif requis pour réguler l’usage des produits du tabac traditionnels et interdire le tabac à priser ou à mâcher et les produits issus des technologies plus récentes telles que les cigarettes électroniques. Cette réglementation restreint l’usage du tabac dans les lieux publics et interdit la vente de produits du tabac dans un rayon de 200 mètres autour des établissements d’enseignement et des installations sportives. Les interdictions visant la publicité et la promotion du tabac ont été intensifiées. Depuis le 31 mai 2023, les importateurs et les fabricants ont l’obligation de présenter des rapports annuels sur les ingrédients, les émissions et les ventes de produits du tabac.
« Maurice est le premier pays africain qui a réussi la mise en œuvre d’un emballage neutre comportant une série de huit avertissements sanitaires imprimés sous forme d'images tournantes, avec un pourcentage d’affichage plus élevé », a déclaré Damini Mohur, responsable chargé de la lutte antitabac au Ministère de la santé et du bien-être de l’île Maurice.
En 2023, cette politique intégrale de lutte antitabac a permis à l’île Maurice de devenir le troisième pays au monde à avoir adopté l’ensemble des mesures MPOWER préconisées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Le programme MPOWER comprend six mesures à « fort impact » destinées à réduire la demande de produits du tabac. Après le Brésil et la Turquie, les Pays-Bas ont également rejoint Maurice dans le cercle restreint des pays ayant adopté toutes les mesures de MPOWER.
Le Dr Kailash Jagutpal, Ministre de la santé et du bien-être, espère que désormais l’effet de ces mesures sera visible sur le terrain. « Je me réjouis de ce que le gouvernement de Maurice ait réussi à mettre en œuvre les mesures MPOWER de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac. J’espère que nous observerons une baisse de l’incidence du tabagisme dans les résultats de la prochaine enquête sur les maladies non transmissibles. » La prochaine édition de cette enquête réalisée tous les cinq ans est prévue pour 2026.
Selon le docteur Balkrish Beedassy, responsable chargé des services de sevrage tabagique au Ministère de la santé et du bien-être, l’introduction conjointe de ces nouvelles mesures est cruciale pour enrayer l’épidémie de tabagisme à Maurice. « Une approche partielle ne fonctionnera pas », a-t-il ajouté. « Cependant, lorsque nous mettons en œuvre ces mesures de manière globale, nous pouvons réduire efficacement la prévalence du tabagisme chez les adultes et chez les adolescents. »
L’approche audacieuse adoptée par le pays semble porter ses fruits. Si aucune enquête officielle n’a encore été menée depuis la mise en œuvre des Plans d’action nationaux pour la sécurité sanitaire (2022-2026) pour évaluer son effet sur la prévalence du tabagisme, il n’en demeure pas moins qu’une augmentation a été constatée quant au nombre d’infractions signalées au titre de la réglementation de 2022 sur la santé publique (restrictions sur les produits du tabac). Ce constat confirme que les différents services chargés de l’application de la loi sont de plus en conscients des nouvelles restrictions imposées.
Grâce au soutien fournit par l’OMS et d’autres partenaires, 300 agents du Bureau des douanes, de l’Office national de la réglementation des produits agricoles, de l’Inspection de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Ministère de la santé et du bien-être, ainsi que des forces de police de Maurice ont été formés à la nouvelle loi sur la lutte antitabac.
« Maurice a réalisé des progrès remarquables en matière de lutte antitabac, » a indiqué la Dre Anne Ancia, Représentante de l’OMS à Maurice. « Il s’agit d’une étape importante pour atteindre l’objectif Maurice sans tabac. Toutefois, les nouvelles mesures ne sont pas une fin en soi, elles constituent un socle qu’il convient de solidifier et sur lequel reposeront désormais tous les efforts. »
La prochaine étape consistera à étudier l’effet des mesures de lutte antitabac sur la population, puis de les ajuster et de les renforcer éventuellement, afin d’optimiser leur effet sur la prévalence du tabagisme. L’OMS continuera à apporter son soutien à Maurice dans sa démarche ambitieuse visant à préserver les générations présentes et futures des innombrables méfaits du tabac.