Journée mondiale de la sécurité du patient : Ensemble pour des soins de santé plus sûrs et sans risques !
« Cela fait déjà trois ans, je me suis fait opérer pour une appendicite. Pendant mon hospitalisation, la plaie s’est infectée. Les médecins ont parlé d’une infection à staphylocoque doré. Au cours du traitement de cette infection contractée à l’hôpital, suite à de violents maux de tête et une forte fièvre, on m’a diagnostiqué un palu aigu. Heureusement, j’ai été pris en charge rapidement et j’ai pu guéri, même si j’ai dû passer plusieurs semaines à l’hôpital ». Si Antoine MUNEZERO, 56 ans, originaire de Rumonge, s’en est, apparemment, bien sorti sans grandes difficultés, ce n’est pas le cas de plusieurs autres patients qui trainent, pendant des années ou toute leur vie durant, des séquelles d’une infection nosocomiale « choppée » en milieu hospitalier après leur admission. Les infections nosocomiales représentent la complication la plus fréquente affectant les patients hospitalisés.
La sécurité du malade est devenue une préoccupation majeure de santé publique. Il s’agit de prévenir et de réduire les risques, les erreurs et les préjudices causés aux patients dans le cadre de soins de santé. La sécurité du patient repose en premier lieu sur l’amélioration continue, grâce à des enseignements tirés des erreurs et des manifestations indésirables. Des politiques claires, des capacités de leadership, des données pour orienter les améliorations de sécurité, des professionnels de santé compétents et la participation réelle des patients à leurs soins sont nécessaires pour parvenir à mettre en œuvre des stratégies en matière de sécurité du patient. Une réalité dont sont conscientes les autorités sanitaires du Burundi.
Même si, comme le souligne le Directeur général des offres de soins au Ministère de la santé publique et de la lutte contre le Sida, le pays ne dispose pas de politique claire et spécifique à la sécurité des patients, « il existe toutefois quelques dispositions visant à améliorer la sécurité du patient. Nous citerons entre autres : La création d’une Direction Générale en charge de l’offre de soins et accréditation avec un département en charge spécifiquement de la gestion de la qualité des soins ; l’existence d’une autorité chargée de la régulation et de la disponibilité des médicaments de qualité ; le document des normes sanitaires pour la mise en œuvre de la stratégie sectorielle de la santé ; l’existence d’un référentiel qualité des soins et services de santé ; le renforcement des capacités et compétences sur les urgences chirurgicales, obstétricales et anesthésiques à travers l’approche de mentorat clinique in situ et le processus d’audits cliniques dans les hôpitaux de districts », indique Dr. Oscar NTIHABOSE.
Cependant, déplore le Directeur général de l’offre des soins, « ces dispositions ne sont pas appliquées de façon coordonnée et efficace. En effet, le système de santé du Burundi est confronté à un problème de manque de ressources humaines qualifiées et en quantité suffisante, des infrastructures répondant aux normes requises à chaque niveau de soins et l’insuffisance du budget alloué à la santé ». Fort heureusement, face à ces aléas structurels et conjoncturels, certains établissements sanitaires du pays mettent un point d’honneur à œuvrer pour la sécurité du patient dans leurs enceintes. C’est le cas par exemple de l’hôpital militaire de Kamenge (HMK), une structure sanitaire de référence dans le pays et dont la devise est : « Un bon accueil dans un hôpital propre ». Dr. Déo Simbarariye est le chef du service néphrologie et le point focal Prévention et Contrôle des Infections (PCI). Il explique les mesures prises par cet hôpital pour assurer la sécurité des soins et du patient. « La gestion des risques liés à la sécurité du patient passe par la formation. Nous assurons régulièrement la formation des prestataires de soins, des équipes paramédicale et médicale, surtout avec les récentes épidémies ou de menaces que nous avions connues ces derniers temps à savoir la Covid19 et Ebola, il y a eu des formations qui ont été organisées pour renforcer la protection aussi bien du personnel que des patients. Fidèle à la devise de notre hôpital, nous mettons un accent particulier sur la propreté et l’hygiène, à travers la promotion du lavage des mains et de l’hygiène hospitalière. Nous disposons au niveau des urgences, des salles de consultations et du bloc opératoire des équipements de protection : les dispositifs de lavage des mains au savon, des gants, les masques, le matériel de stérilisation, etc. Tout ça pour protéger et patients et personnel », confie Dr. Déo Simbarariye. Ces dispositions sont d’autant nécessaires face aux cas fréquents de maladies nosocomiales enregistrés dans cet établissement sanitaire. Dr. Dieudonné KARORERO en est le Directeur chargé des soins : « il n’existe pas encore de données d’enquêtes sur la prévalence d’infections dues au manque de mesures de protection du patient, mais nous enregistrons souvent des cas suite à des interventions chirurgicales ou aux accouchements par voie basse ou par césarienne. Des cas d’infections qui suppurent après une opération dont le pronostic était au départ bon et que par la suite, tourne mal et se surinfecte. Il y a aussi des cas de patients qui viennent à l’hôpital pour un problème de santé relevant de la chirurgie, par la suite ils sont diagnostiqués d’un paludisme ou d’une toute autre maladie nosocomiale contractée sur la place.
Nous enregistrons également des cas d’infections urinaires dues au sondage vésical mal fait, des infections causées par la pause de cathéter lors des perfusions », informe le colonel-médecin psychiatre.
Pour réduire la prévalence de ces infections nosocomiales et faire de cet hôpital un lieu de santé par excellence, les responsables multiplient des initiatives de sécurité. « En plus des points de lavage que nous avons disposés partout dans l’hôpital avec des messages de sensibilisation pour amener les uns et les autres à suivre scrupuleusement ces prescriptions, nous avons construit un forage pour que l’eau soit disponible à tout moment pour le lavage des mains et augmenter des réservoirs pour le stockage. Nous avons également mis à disposition des soignants des désinfectants en quantité suffisante. Nous envisageons aussi mettre en place une station de traitement d’eaux usées de tout l’hôpital avant de les évacuer dans la nature pour ne pas contaminer les riverains. Nous avons augmenté le nombre de machines à laver pour éviter que le personnel de buanderie ne soit exposé aux infections ou contamination de maladies et favoriser l’utilisation de champs propres au lieu que les patients utilisent leurs linges comme draps ou couvertures de lits ou parfois même accoucher sur des pagnes non stérilisés », énumère Dr. Dieudonné KARORERO.
Fidèle à son engagement d’appuyer les structures sanitaires du Burundi à renforcer les capacités de prise en charge des malades, le bureau pays de l’OMS a offert à l’hôpital militaire de Kamenge un incinérateur de dernière génération dont se félicite le Directeur général des soins. « Nous utilisions un incinérateur de fabrication locale qui nous empêchait de traiter une grande quantité de déchets. Il y avait même des produits qui ne pouvaient pas être brulés par cet incinérateur qui ne répondait pas aux normes exigées, en plus, Il dégageait une fumée très toxique nuisible aux usagers de l’Hôpital. C’est ainsi que l’OMS a répondu à notre sollicitation en nous offrant un incinérateur de dernière génération, grâce auquel nous pourrions désormais traiter une grande quantité de déchets en un temps record, de telle sorte que tous les déchets produits au sein de l’hôpital seront brûlés convenablement. On pourra ainsi protéger les agents qui s’occupent de cette tâche », se réjoui Dr. Dieudonné KARORERO.
En outre, l’OMS a appuyé le pays dans l’élaboration d’une stratégie nationale de PCI durable dont la mise en œuvre permettra de prévenir les infections nosocomiales et contribuer à la lutte contre la transmission de certaines maladies liées aux mains sales.
L’OMS a également contribué à l’installation de points de lavage de mains dans dix (10) centres de santé communautaires de la province de Bujumbura. A ces différents appuis s’ajoute le soutien du bureau pays de l’Organisation mondiale de la santé apporté à l’Hôpital militaire de Kamenge pour le renforcement de capacités de deux de ses agents envoyés à Marseille (France) pour affiner leurs aptitudes en matière de prise en charge des nouveau-nés.
L’édition 2023 de la Journée mondiale de la sécurité du patient est placée sous le thème : « Faire des patients les acteurs de leur propre sécurité ». A cet effet, le point focal PCI de HMK plaide pour « que la sensibilisation des malades et des personnels des hôpitaux et centres de santé soit renforcée pour une prise de conscience collective. On doit tout faire pour qu’un patient qui se rend dans un hôpital reçoive des soins de qualité tout en lui évitant de subir des évènements inattendus et indésirables qui pourraient compromettre sa santé, comme un mauvais diagnostic, des gestes inappropriés du personnel de santé, des prescriptions inadaptées, etc. », propose Dr. Déo Simbarariye. Pour Dr. Dieudonné KARORERO, autant les patients et les prestataires de soins ont leurs responsabilités, autant les autorités politico administratives doivent aussi jouer leur partition pour que la sécurité du patient soit une réalité vivante dans les établissements sanitaires du pays. « Je leur demanderais de multiplier et de bien entretenir les sources d’eau propre, renforcer la sécurité au niveau de la circulation routière et maritime. Que l’ABREMA qui approuve les produits utilisés dans les établissements sanitaires redouble de vigilance pour éviter l’entrée sur le territoire burundais des produits ne répondant pas aux normes exigées ; réguler et surveiller les activités des tradipraticiens, des pasteurs au niveau de certaines églises qui font miroiter aux patients des guérisons miraculeuses ; sensibiliser la population afin que les patients puissent se référer, en cas de problèmes de santé, aux structures sanitaires compétentes pour leur prise en charge », lance le colonel-médecin.