Lutte contre les maladies cardiovasculaires au Burundi : Tout le monde doit s’y impliquer !
Le 29 Septembre de chaque année, le Monde célèbre la Journée mondiale du cœur ; Occasion pour sensibiliser le public sur les maladies cardiovasculaires et faire la promotion des bonnes habitudes en vue de réduire le fardeau de ces maladies, de plus en plus nombreuses dans la société. Les facteurs de risque les plus connus sont une mauvaise alimentation, l'inactivité physique, l'hypertension artérielle et le diabète. Avec des changements dans les modes de vie, on peut réduire les risques de maladies du cœur et vivre plus longtemps. Témoignages de Mr. Thaddée MANIRAKIZA, victime d’un AVC et de Dr. Constantin Nyamuzangura, cardiologue.
« Après 8 ans, quelques bribes de souvenirs commencent à effleurer mon esprit. C’était le 28 juillet 2015, un mardi, aux environs de 15H. J’étais avec deux autres amis. Nous étions en train de parler et subitement je tombe à terre. Je n’arrivais plus à bien parler, je ne sentais plus le bras et le pieds droits. Ils étaient inertes et insensibles. J’ai été transporté à l’hôpital pour les soins. C’est là où j’apprends que j’ai été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Après quelque temps ici à Bujumbura, j’ai été évacué au Rwanda où j’ai passé un mois avant de revenir poursuive les soins à Bujumbura », se remémore le sieur Thaddée MANIRAKIZA, 53 ans. Si cet agent de la BRB (Banque de la République du Burundi) continue de voir régulièrement son cardiologue et poursuit ses séances de rééducation, il estime se porter bien quand même : « aujourd’hui, je peux dire que je vais tant bien que mal. Je n’arrive toujours pas à bien articuler les mots, comme vous le voyez. J’ai toujours du mal à faire usage de mes membres inférieur et supérieur droits, mais ça va, je suis en vie, j’ai pu reprendre cahin caha le boulot », raconte Thaddée MANIRAKIZA. Il avoue ignorer qu’il souffrait de certaines maladies non transmissibles avant son accident : « Jusqu’au moment de cette crise, je ne savais pas que j’étais diabétique ni hypertendu. C’est lors de ma prise en charge à l’hôpital que les analyses de sang effectuées ont révélé que je souffrais de ces deux maladies qui seraient la cause de l’AVC dont j’ai été victime », déclare le fonctionnaire de la BRB.
Les accidents vasculaires cérébraux constituent l’une des maladies cardiovasculaires les plus répandues. Ces dernières représentent « la première cause de mortalité dans le monde avec près de 10 millions de décès par an. Quand on parle de maladies cardiovasculaires on parle de maladies graves comme les infarctus, les accidents vasculaires cérébraux, les cardiomyopathies, l’hypertension artérielle, etc.
A signaler aussi que ces maladies sont liées au tabagisme, à une mauvaise alimentation, l'obésité, la sédentarité, la consommation de l'alcool, et l'hyperlipidémie », confirme Dr. Constantin Nyamuzangura, cardiologue. Et quand on interroge l’un des précurseurs du « centre du cœur » du Bujumbura, sur l’ampleur de la prévalence des maladies cardiovasculaires dans son pays, il affiche une mine un tantinet attristé : « Au Burundi, la situation est très alarmante. Malheureusement, comme dans d’autres pays en développement, on ne dispose pas trop d’études, mais globalement, il faut savoir que ces maladies commencent à être un vrai fardeau, on le voit dans les hôpitaux où les lits deviennent de plus en plus remplis par des patients cardiovasculaires (hypertension, infarctus, insuffisance rénale, AVC, et.). En tant que cardiologue, je reçois en consultation par semaine pas moins d’une centaine de patients et autour de 500 par mois, rien que pour l’hypertension artérielle. C’est dire l’ampleur de la pathologie dans le pays. Même sans statistiques officielles au niveau national, je juge que c’est un peu élevé et la moyenne d’âge de ces patients se situe entre 50 et 60 ans », confie Dr. Constantin Nyamuzangura.
Face à ce tableau assez inquiétant, le cardiologue déplore le manque de conditions appropriées pour la prise en charge de ces types de pathologies dans son pays. « Au Burundi, on est encore très loin des attentes en matière de ressources humaines ou de prise en charge des maladies cardiovasculaires. Dans un pays où on a un cardiologue pour 1 million d’habitants, on est très loin du compte. Et, figurez-vous, ces quelques cardiologues exercent presque dans la capitale Bujumbura au détriment des autres provinces qui sont délaissées. Et là je ne vous parle pas du plateau technique. On n’a pas d’équipements adaptés, on n’a pas de médicaments ou de produits d’urgence ni de centres d’excellence pour gérer les cas graves comme les infarctus, on ne sait pas déboucher les artères avec des stentes, on ne sait pas mettre des pacemakers pour les patients atteints d’arythmie sévère. Pour vous dire, on est loin du compte et il faut vraiment de gros efforts pour remonter la pente », s’indigne le cardiologue du « centre de cœur » de Bujumbura.
Afin de relever ces défis en matière de prise en charge des maladies cardiovasculaires, le collège des cardiologues du Burundi ont créé la Société burundaise de cardiologie (SBC). Depuis 2015 qu’elle a été mise sur les fonts baptismaux, cette structure a entrepris un certain nombre d’initiatives pour gérer les cas de patients victimes de maladies cardiovasculaires. « Nous avons organisé des formations continues à l’endroit des médecins généralistes de la capitale mais aussi pour ceux de l’intérieur du pays. Ce qui a permis de doubler en moins de 8 ans l’effectif des médecins pouvant intervenir en cas de maladies cardiovasculaires. En collaboration avec le Ministère de la santé publique et de la lutte contre le Sida (MSPLS) nous avons élaboré des protocoles de prise en charge, entrepris des projets de formations sur l’électrocardiogramme, de vulgarisation des plateaux techniques qui devraient être disponibles dans tous les services d’urgence du pays. Nous comptons également faire un plaidoyer en vue de la création du premier centre d’excellence pour traiter les maladies cardiovasculaires au Burundi. Avec ces quelques activités menées par la SBC nous arrivons à faire aujourd’hui de bons diagnostics au niveau périphérique, les médecins généralistes arrivent à administrer de bons traitements aux patients en appliquant convenablement les protocoles enseignés, nous disposons de bons référencements pour des cas graves qui nécessitent des soins plus spécialisés », souligne Dr. Constantin Nyamuzangura.
Pour mener à bien toutes ces activités qui semblent porter des fruits, la SBC bénéficie de soutiens de certains partenaires, dont l’Organisation mondiale de la santé. « L’OMS nous appuie depuis notre création en 2015 dans l’organisation de nos évènements phares à savoir le congrès de cardiologie et les journées mondiales du cœur. Toutes les années l’OMS a été présente à nos côtés dans nos ambitions de formations continues, d’élaboration de protocoles de prise en charge pour pouvoir transmettre les compétences au niveau périphérique et ainsi prévenir et lutter contre les maladies cardiovasculaires au niveau national. Nous souhaiterions que l’OMS nous assiste dans la recherche de données au niveau du pays en appuyant notamment une étude à l’échelle nationale pour dégager des statistiques des maladies cardiovasculaires au Burundi », plaide le Président de la Société burundaise de cardiologie.
Pour lui, les autorités sanitaires du Burundi doivent aussi s’efforcer pour doter le pays de conditions favorables et d’infrastructures adéquates pour la prise en charge correcte et efficace des maladies cardiovasculaires. Cependant, et quand bien même ces opportunités de traitement auront existé, la sensibilisation à la prévention restera de mise. « L’AVC ne prévient pas. C’est une maladie qui laisse beaucoup de séquelles. Quand vous avez un handicap, vous êtes parfois rejeté, surtout dans notre pays ici, et vous ne pouvez plus travailler. J’invite alors les uns et les autres à bien prendre soin de leur santé, surveiller leur alimentation, faire du sport, se faire plaisir dans la vie pour éviter le stress, souvent facteur aussi d’accident cardiovasculaire », conseille Mr. Thaddée MANIRAKIZA. Un avis bien partagé par le spécialiste des maladies du cœur. « Il nous faut bien utiliser notre cœur pour notre santé cardiovasculaire. Cela implique qu’il faut avoir une activité physique régulière, une hygiène de vie correcte avec une alimentation équilibrée, pauvre en sel, riche en fruits et légumes. Eviter au maximum le stress, diminuer la consommation de l’alcool et arrêter de fumer. C’est un message à la fois essentiel et universel. On doit toujours rappeler que les maladies cardiovasculaires constituent malheureusement la première cause de décès dans le monde et que tout le monde doit être impliqué dans sa lutte, que ce soit au niveau individuel ou collectivement », lance Dr. Constantin Nyamuzangura.