Santé et bien-être des personnes du 3ème âge : entre discipline personnelle et volonté politique !
Commémorée le 1er octobre de chaque année, la Journée internationale des personnes âgées est une excellente occasion pour célébrer la vie de nos aînés, tout en mettant en lumière les possibilités et les défis inhérents au vieillissement. Et parmi ces défis, il y a bien évidemment la santé. Comment vieillir en bonne santé ? Mr. Onésime MPEMBEYE, 83 ans nous livre les secrets de sa bonne forme, tandis que Dr. Willy GATORE et Dr. Jean de Dieu HABIARIMANA nous parle des efforts du Gouvernement avec l’appui de l’OMS pour assurer une vieillesse en bonne santé aux personnes âgées.
Le regard vif, vautré dans un fauteuil de velours couleur marron, Mr. Onésime MPEMBEYE ne fait pas son âge. Avec sa vivacité d’esprit on lui donnerait 60 ans, pourtant il en a 83. De taille moyenne, l’ancien vétérinaire a une mémoire encore très fidèle. A la question de savoir les raisons de cette belle forme à un âge aussi avancé, il répond : « Je vis comme si j’étais toujours en fonction, j’ai encore de l’énergie pour travailler malgré mon âge. Je fais des promenades, je visite des amis ici au Burundi et dans d’autres pays comme le Rwanda. J’ai encore la force de faire des courses, ceci grâce à une discipline alimentaire que j’ai adoptée depuis toujours. Je consomme beaucoup de légumes, des fruits et j’évite les aliments à forte teneur de cholestérol comme le lait de vache. En lieu et place, j’ai privilégié le lait de soja qui est adapté aux personnes de mon âge », explique l’octogénaire. Grâce à ce mode de vie, le sieur Onésime MPEMBEYE a pu gérer certaines maladies chroniques dont il souffrait. « A l’époque, quand j’étais encore en activité, j’ai développé quelques maladies comme le diabète et l’hypertension artérielle. Aujourd’hui j’ai pu stabiliser ces deux maladies par la pratique d’activité physique et une bonne alimentation. Matin et soir je fais au moins 40 mn de marche », confie ce veuf et père de 7ans.
Si Onésime MPEMBEYE a pu maintenir un tel état de santé à 83 ans, c’est parce qu’il a très tôt compris que sa santé dépend d’abord de lui-même. Car au Burundi, la santé des personnes du 3ème âge n’est pas encore bien articulée dans les politiques de santé du pays. « L’intégration des soins aux personnes âgées peine à être effective, que ce soit du côté des infrastructures ou de celui des ressources humaines. Pas de centres spécialisés pour la prise en charge des personnes âgées, pas de gériatres.
Très peu d’approches sont développées pour la gestion des maladies affectant les personnes du 3ème âge, malgré leur nombre assez élevé dans le pays », déclare Dr. Jean de Dieu HABIARIMANA, Directeur du Programme national intégré des maladies chroniques et non transmissibles (PNIMCNT) au niveau du Ministère de la santé publique et de la lutte contre le Sida (MSPLS). Une situation que déplore Dr. Willy GATORE, le seul gériatre que compte le Burundi. Dans ce pays « il n’y a pas de programmes réels de prise en charge des personnes âgées dans leur forme de fragilité. Déjà, je suis le seul à travailler dans ce secteur, il n’y a pas d’unités spécialisées, aucune clinique spécialisée pour la prise en charge des personnes âgées, aucune unité de soins palliatifs dans n’importe quelle clinique du pays. J’ai l’impression que les autorités sanitaires n’ont pas encore pris la mesure des problèmes de santé de cette frange de la population très vulnérable. Cependant quelques bons signes commencent à apparaitre, la politique s’y intéresse de plus en plus à travers les offres de soins gratuits à certains retraités du secteur formel avec la mutualité de la fonction publique, mais cela ne concerne que quelques 3 ou 4% des fonctionnaires retraités, au détriment de 97% qui sont laissés à leur triste sort », regrette ce spécialiste des maladies des personnes âgées. Le manque de conditions appropriées et adéquates pour la prise en charge de la santé des personnes du 3ème âge expose à de multiples problèmes de santé liés à la vieillesse.
« Dans le contexte burundais, les personnes âgées sont dans une situation de fragilité psychologique et physique, due à leur âge avancé, à leur origine, aux maladies qu’ils ont trainées au cours de l’enfance et à l’âge adulte qui n’ont pas été correctement prises en charge. A ces facteurs s’ajoutent des maladies spécifiques relatives à la dégénérescence des cellules, au vieillissement du corps humain, notamment l’Alzheimer, le parkinson, l’arthrose, l’ostéoporose, les fragilités dues à l’incontinence, les accidents vasculaires cérébraux, l’hypertension, le diabète ou d’autres pathologies induites par la sous-alimentation chronique du burundais moyen, avec une certaine gravité à l’âge de la vieillesse », explique le gériatre. Face à ce défi majeur que représentent la santé et le bien-être des personnes du 3ème âge au Burundi, les autorités sanitaires, comme l’a souligné un peu plus haut Dr. GATORE, ne restent pas les bras croisés. Même si les actions sont encore timides, des efforts se font pour permettre aux personnes âgées de vivre une vie paisible sans grands problèmes de santé. « Comme vous le savez, nous somme dans la phase de transition des maladies infectieuses vers les maladies chroniques non transmissibles suite au changement de mode de vie et au vieillissement de la population. Dans les années passées la priorité était la lutte contre ces maladies infectieuses qui décimaient la population. Aujourd’hui la tendance semble s’inverser au profit des maladies non transmissibles. Au niveau du MSPLS, nous travaillons à élaborer un plan stratégique pour intégrer les soins aux personnes âgées dans le système de santé du pays, malheureusement nous butons toujours à des difficultés budgétaires. Mais avec l’aide de nos partenaires comme l’OMS, nous espérons que ce projet va aboutir », indique Dr. Jean de Dieu HABIARIMANA.
En effet le Ministère de la santé publique et de la lutte contre le Sida, à travers ses différents programmes bénéficie des appuis des institutions comme l’Organisation mondiale de la santé qui accompagne constamment le pays dans ses efforts pour le renforcement de son système de santé. « L’OMS est un acteur clé dans l’exécution de nos activités, que ce soit au niveau du MSPLS ou du programme que je dirige. En plus, l’OMS a en son sein une unité qui s’occupe des MNT. Au niveau du PNIMNT nous travaillons avec l’équipe de l’OMS dans la mise en place des politiques et stratégies exclusivement dédiées à la santé des personnes âgées. Nous sommes en négociation avec l’OMS pour qu’elle nous accompagne afin que nous disposions des données précises et factuelles de chaque maladie. Nous échangeons aussi avec l’OMS sur la possibilité d’être assistés pour réaliser une enquête steps en vue de mettre en exergue les facteurs de risques des maladies non transmissibles au niveau national. Nous bénéficions également de l’appui de l’OMS pour la célébration des différentes journées dédiées à la lutte contre les maladies non transmissibles, que ce soient les journées mondiales du diabète, de l’hypertension, du cœur, des personnes âgées, etc. Ces célébrations constituent des occasions privilégiées pour sensibiliser à la prévention de ces maladies », indique le Directeur du Programme national intégré des maladies chroniques et non transmissibles. Vues la précarité et la vulnérabilité qui caractérisent la vie des personnes âgées au Burundi, ces activités suscitées à elles seules sont loin de satisfaire les besoins en santé des personnes du 3ème âge. C’est pourquoi « Il faut repenser le système de soins de notre pays en ayant une politique adaptée avec des documents de références sanitaires qui sont intégrés dans le paquet de soins. Il s’agit aussi de faire en sorte que les structures de soins intègrent cette notion de gériatrie. Il nous faut également, surtout pour les personnes âgées, intégrer des soins palliatifs qui impliquent une prise en charge psychologique et la mise à disposition d’un personnel formé et qualifié. Si nous n’avons pas de gériatres, d’infirmiers formés pour administrer des soins gériatriques tous les efforts seront voués à l’échec », prévient Dr. Jean de Dieu.
Pour Dr. Willy GATORE, la question de la santé et du bien-être des personnes âgées doit être adressée selon une approche holistique. « Il faut avant tout une politique de prise en charge des personnes âgées qui leur permette d’avoir accès aux soins de santé les plus basiques. Il faut que les personnes âgées aient accès à la nourriture, à une forme de rémunération minimale qui les aide à vivre dignement. Il faut également encourager l’humanité sociale qui permet à la personne âgée de se sentir toujours utile à la société. Les personnes du 3ème âge sont de grandes bibliothèques en terme de connaissances et de prise en charge des petits enfants. Il faut qu’elles soient intégrées dans la société comme des gens de valeur qui sont capables de contribuer par leur éducation et leurs conseils aux plus jeunes », propose le gériatre.
En attendant que toutes ces conditions qui relèvent de la volonté politique soient remplies, il est nécessaire que chacun à son niveau prenne des dispositions pour mener une vie saine qui épargne des problèmes de santé liés à la vieillesse, comme a su bien le faire Onésime MPEMBEYE. « Les gens, surtout les jeunes, doivent abandonner certaines habitudes qui consistent à fréquenter les débits de boissons pour s’adonner à la consommation d’alcool. Ils doivent adopter un mode de vie sain basé sur une alimentation équilibrée, riche en fruits et légumes, et surtout pratiquer beaucoup le sport. Vieillir en bonne santé c’est d’abord une affaire de discipline personnelle », avise l’octogénaire. Et le spécialiste des maladies des personnes âgées d’ajouter : « tout commence par l’alimentaire ! Il faut avoir une alimentation assez bien équilibrée, générer des pensées positives, mener une bonne vie sociale, éviter la sédentarisation. En cas de maladie se faire soigner tôt pour éviter des complications plus tard. Si ces conditions sont respectées vous aurez une vie de béton », rassure Dr. Willy GATORE.