Le renforcement des capacités de laboratoire révolutionne le traitement de la tuberculose au Congo
Brazzaville – Salomon*, la trentaine, est venu en consultation avec dans ses mains une enveloppe contenant des résultats d’analyse de laboratoire et un cliché du film de la radiographie de ses poumons, qu’il tend à Amélie Makoundou, Assistante de santé publique au Centre antituberculeux de Brazzaville. Après une inspection minutieuse, Amélie déclare : « C’est bon, vous êtes guéri. » Mais Salomon reste impassible comme s’il n’avait pas entendu ce que l’Assistante a dit. Cette dernière répète « Vous pouvez arrêter le traitement, vous êtes guéri. » Alors Salomon, qui vient d’achever ses six mois de traitement, remercie Amélie et prend congé le visage radieux.
Le diagnostic joue un rôle central dans la lutte contre la tuberculose. Il commence par une surveillance des toux chroniques et se complète par la confirmation d’une analyse de crachat au laboratoire. Ce diagnostic en laboratoire permet de faire une détection rapide et de mettre le patient sous traitement. Ainsi, pour renforcer ses actions en faveur de l’élimination de la tuberculose, le Congo a procédé, avec l’appui de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), à une restructuration de sa politique en mettant au cœur de sa stratégie le renforcement des capacités de laboratoire.
En 2013, le Congo a acquis sa première machine GeneXpert qui permet de détecter rapidement la bactérie responsable de la tuberculose. Mais avec des capacités limitées, le pays continuait à envoyer des échantillons à l’étranger afin de réaliser la culture des mycobactéries et déterminer la résistance aux antibiotiques utilisés pour le traitement. Les résultats prenaient entre six et huit mois pour être disponibles.
« Cette situation compliquait le suivi thérapeutique des patients souffrant de la tuberculose multirésistante qui exige un laboratoire capable de réaliser des cultures. Ceci retardait considérablement la mise sous traitement des patients souffrant de tuberculose ultrarésistante et à l’issue du traitement, l’absence de résultats de culture empêchait même de confirmer la guérison de ces patients », explique la Dre Darrel Ornelle Elion Assiana, Directrice du Laboratoire national de référence des mycobactéries (LNRM).
Avec l’appui de l’OMS grâce à la mobilisation des ressources auprès du Fond mondial, le Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT) s’est doté en 2018 d’un laboratoire modulaire de sécurité microbiologique destiné aux manipulations des souches de bactéries dangereuses. Le LNRM dispose à ce jour de 46 machines GeneXperts et couvre un réseau de 113 centres de dépistage et de traitement repartis dans les 12 départements du pays.
Soutenu par l’OMS et des partenaires comme le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Fond mondial, le Congo a été classifié depuis décembre 2024 parmi les pays à haute charge de la tuberculose ayant un Laboratoire de référence des mycobactéries qui remplit les normes de l’Organisation mondiale de la Santé. Le LNRM fait plus que du simple dépistage. Il propose des techniques avancées dont la microscopie, la culture, les tests de sensibilité aux antituberculeux ainsi que les tests de diagnostic moléculaire y compris la surveillance génomique. « En deux semaines ou au plus un mois, les résultats des tests de sensibilité sont disponibles et le patient peut commencer un traitement adéquat », rassure la Dre Assiana avant d’ajouter que pour les tests de sensibilité génotypique, les résultats sont disponibles entre 24 et 48 heures.
Amélie Makoundou, l’Assistante de santé publique, reçoit en consultation chaque jour une cinquantaine de patients. Avec une expérience de près de 30 ans dans le secteur des grandes endémies, et à quelques mois de la retraite, Amélie a traité des milliers de patients souffrant de la tuberculose au Congo.
Tout son travail repose sur le résultat de laboratoire. « C’est moi qui envoie le patient au laboratoire. Nous ne pouvons pas mettre le patient sous traitement sans un résultat de laboratoire », explique-t-elle. « Sur quelle base pouvons-nous mettre un patient sous traitement s’il ne fait pas le dépistage ? »
La question posée par Amélie souligne la place centrale du dépistage dans la lutte contre la tuberculose, une maladie qui a tué plus de 400 000 personnes dans la Région africaine en 2023, avec près de 1,9 million de nouveaux cas détectés et notifiés en Afrique dont 14 370 au Congo.
L'OMS et ses partenaires appuient le Congo dans l’amélioration des conditions de diagnostic en renforçant le laboratoire national de référence de tuberculose. L’Organisation a appuyé le renforcement de capacités des cinq techniciens du laboratoire de référence et soutenu la structuration grâce au déploiement d’un consultant international de laboratoire qui assure l’assistance technique en permanence. « L’OMS soutient le pilier laboratoire car il est essentiel pour la détection rapide de la maladie, permet aux cliniciens de mettre sous traitement le patient aussi rapidement que possible et contribue à sauver des vies », explique le Dr Vincent Dossou Sodjinou, représentant par intérim de l’OMS au Congo. « Notre Organisation travaille avec les pays pour mettre fin à la tuberculose. L'élimination d’une maladie est un facteur clé pour garantir une meilleure santé pour les populations, renforcer la productivité et soutenir l'économie. »
Grâce aux différents efforts en matière de laboratoire, 41 % des nouveaux cas ont été détectés grâce aux méthodes de diagnostic rapide recommandées par l'OMS. La détection de nouveaux cas a légèrement augmenté de près de 5 % entre 2022 et 2023, et les personnes ayant commencé un traitement contre la tuberculose résistante aux médicaments a plus que doublé sur la même période passant 231 à 494 patients. Le diagnostic précoce permet d’améliorer le traitement préventif. Plus de 1700 personnes ont bénéficié de traitement préventif contre la tuberculose en 2023, en hausse de 46 % par rapport à 2022.
« C’est grâce au laboratoire que nous pouvons isoler la bactérie responsable de la tuberculose et évaluer sa sensibilité aux traitements », souligne le Pr Franck Hardain Okemba-Okombi, Directeur du PNLT. « Quand on initie le traitement, c'est encore le laboratoire qui nous permet de dire qu'il y a des améliorations cliniques. C'est toujours le laboratoire qui va nous orienter sur la durée du traitement, si le patient a terminé son traitement et s’il peut être déclaré guéri. »
En 2022, le taux de succès thérapeutique au Congo était de 82 % contre 72 % en 2019. « C’est un sentiment indescriptible que j’ai quand un patient achève son traitement et est déclaré guéri », commente Amélie. « Chaque guérison est une victoire et un pas dans la lutte contre la tuberculose. »
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