Partager l’information pour protéger sa communauté
Kinshasa, 21 octobre 2024 – Sophie Lipanda, 39 ans, est une championne de la lutte contre les maladies dans sa communauté, avec plus de 10 ans d’expérience dans la communication des risques et l’engagement communautaire (CREC). Lorsque l’épidémie de la mpox a été déclarée en République démocratique du Congo (RDC), elle n’a pas hésité à se joindre aux équipes de terrain pour sensibiliser les populations. Le pays fait face à cette épidémie depuis le début l’année 2024, avec plus de 34 000 cas suspects enregistrés et 981 décès liés à la maladie.
Les populations étant les premières concernées par leur santé et leur bien-être, la CREC figure parmi les recommandations permanentes de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour lutter contre les épidémies et promouvoir les mesures clés de santé publique. Il existe ainsi des échanges d’informations en temps réel entre les autorités sanitaires, les experts en santé publique et les populations exposées à la maladie, lesquelles deviennent à travers l’engagement communautaire des partenaires incontournables dans la mise en place d’interventions pertinentes et acceptables pour elles.
C’est dans ce cadre que Sophie relaie au sein de sa communauté des informations pour protéger la population en les sensibilisant, notamment lors de visites à domicile ainsi que des causeries éducatives, entretiens individuels, discussions de groupe et sensibilisations de masse dans les lieux de rassemblement. « Lors de nos échanges, je partage avec eux les faits réels sur la maladie, et je me tiens toujours prête pour répondre aux nombreuses questions et préoccupations entourant la maladie. »
Sur le terrain, la CREC appuie les autres piliers de la riposte à la mpox, tels que la surveillance intégrée des maladies, la prévention et le contrôle des infections, et la prise en charge des malades. Pour lui permettre de remplir efficacement ce rôle, Sophie a été formée par l’OMS, et elle étend maintenant son appui au suivi des voyageurs et des personnes contacts.
Elle fait partie des 45 animateurs chargés de 35 zones de santé dans la province de Kinshasa, qui ont été formés et ont à leur tour formé plus de 2000 relais communautaires, dont en moyenne 4 relais communautaires sont engagés dans chaque aire de santé. En effet, le renforcement de capacités se fait en cascade, d’abord au niveau provincial, descendant ensuite vers les zones de santé avec les animateurs communautaires, pour atteindre les relais communautaires et les agents de santé à base communautaire. « J’ai appris que pour être un bon acteur communautaire, il faut savoir écouter, prendre en compte et répondre aux préoccupations de la communauté, et être prêt à s’adapter. Les séances avec l’OMS m’ont permis d’acquérir de nouvelles connaissances et techniques de dialogue, ce qui a amélioré ma façon de travailler dans la communauté. »
Sophie sait que son travail a un impact positif sur la communauté. « Les gens me reconnaissent et viennent facilement vers moi. La confiance est instaurée, mes messages produisent du changement y compris dans les alertes volontaires en lien avec la santé publique. » Dans la zone où elle travaille, 80 alertes volontaires venant de la communauté ont été enregistrées au cours de la semaine épidémiologique 41 (du 7 au 13 octobre 2024), ce qui est une hausse notable par rapport à 14 alertes en moyenne lors des semaines épidémiologiques précédentes.
« Les communautés ont besoin des informations sûres et crédibles pour une prise de décision éclairée qui leur permettra d’avoir des comportements favorables à leur santé. Pour mettre fin à cette épidémie, nous devons intensifier la sensibilisation en requérant l’engagement sans faille des acteurs à tous les niveaux », estime Pierrette Mubadi Ngankey, Chargée de l'information publique au Centre d'opérations d'urgence de santé publique (COUSP).
Dans cette optique, des réunions de plaidoyer ont été organisées à l’endroit des leaders locaux en vue de leur implication dans les actions de réponse. C’est le cas dans la province de Mai-Ndombe où au moins 400 leaders ont été impliqués dans la mobilisation communautaire.
Avec l’appui de l’OMS, des interventions ont été mises en œuvre dans 7 provinces (Nord-Kivu, Sud-Kivu, Mai-Ndombe, Tshopo, Kasai, Ituri et Équateur) et les acteurs communautaires se sont rendus sur des places publiques, dans des marchés, écoles, et lieux de culte. L’Organisation a aussi appuyé techniquement l’élaboration de supports de communication : environ 24 600 supports de communication y compris des affiches, banderoles et dépliants en 4 langues ont été distribués dans les endroits stratégiques des provinces, y compris les points d’entrée. Depuis début octobre, 60 000 autres supports de communication sont dans le processus de reprographie et de déploiement dans les zones prioritaires.
Sophie a déjà sensibilisé plusieurs centaines de membres de la communauté depuis le début de l’épidémie de mpox, avec en moyenne 74 ménages visités par semaine, soit près de 500 personnes par semaine. Elle a également formé environ 60 relais communautaires, à raison de 10 par aire de santé, dont Bola Mputu, 54 ans, qui habite dans l’aire de santé Masiala. « Avant d’échanger avec Sophie, on avait tendance à tout croire. Pour beaucoup de personnes, la maladie n’existait pas. Certains disaient aussi qu’il s’agissait de simples cas de varicelle ou de rougeole, et que toutes les annonces faites sur la maladie servaient juste à se faire de l’argent. Avec les vraies informations partagées par Sophie, nos communautés peuvent prendre des décisions éclairées sur leur santé et sur leur vie, sans panique et loin de la désinformation. »
D’autres épidémies de mpox ont déjà été enregistrées en RDC par le passé, mais celle déclarée le 14 août 2024 comme urgence de santé publique de portée internationale par le Directeur général de l’OMS, renferme des particularités qui rendent la sensibilisation sur le terrain d’autant plus critique. Il s’agit notamment de la contamination dans 12 provinces qui n'avaient jamais enregistré de cas auparavant, ainsi que la transmission par voie sexuelle qui n’avait pas été notée lors des épidémies précédentes. Les signes inhabituels observés chez certains patients tels que les lésions génitales ou anales suscitent particulièrement des inquiétudes, car elles sont difficiles à déceler et peuvent retarder le diagnostic et une prise en charge appropriée.
« Ces facteurs font que l’épidémie s'étend rapidement, et cela complique la réponse sanitaire. Nous devons alors déployer plus d’efforts pour appuyer les autorités à dialoguer avec les communautés, en mettant aussi l'accent sur les zones à haut risque comme les camps des déplacés, les zones minières et les maisons closes », explique le point focal de la communication sur les risques et de l’engagement communautaire au bureau de l’OMS en RDC, Jack Katson Maliro.
Pour continuer à protéger les siens, Sophie entend amplifier ses efforts. « Si la maladie se répand, nous risquons tous de tomber malades, alors il faut toujours sensibiliser et apporter notre soutien, autant que nous le pouvons. Ce travail au plus proche de ma communauté me permet de comprendre leurs besoins et de les servir. »
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