A Baraka, dans le territoire de Fizi (Sud Kivu), l’OMS plaide pour des mini-centrales solaires d’adduction d’eau comme solution innovante pour réduire l’incidence du choléra, dans une région endémique au vibrion.
BARAKA (SUD KIVU), 07 février 2017 - Chaque année, entre septembre et décembre, puis au cours des trois premiers mois de l’année suivante, de janvier à mars, les zones de santé de Fizi et d’Uvira, sur le littoral du lac Tanganyika dans la Province du Sud Kivu connaissent habituellement le même phénomène récurrent, plus ou moins cyclique, de résurgence des épidémies de choléra.
Plus de 700 mille personnes de ces deux territoires de l’Est de la RDC sont exposées aux diarrhées cholériformes dans une région qui connaît depuis longtemps de graves difficultés d’approvisionnement en eau sûre et potable et des latrines hygiéniques de qualité.
La Province du Kivu elle-même a notifié, pour l’ensemble de l’année 2016, un total cumulé de 5.068 cas de choléra avec 29 décès (taux de létalité : 0,5%). De ce total, les zones de santé de Fizi (1.827 cas), Kimbi-Lulenge (796 cas) et Uvira (1.422 cas) ont été les plus touchées.
Dans un effort pour mieux appuyer les autorités sanitaires provinciales du Sud Kivu à gérer avec efficacité l’épidémie de choléra, plus particulièrement dans les zones touchées longeant le lac Tanganyika, l’OMS y a dépêché ses épidémiologistes et spécialistes en communication du risque pour se joindre aux experts de la Division provinciale de la santé (DPS) en vue de renforcer les investigations. Au coeur de celles-ci, s’enquérir des causes réelles de la persistance du choléra dans ces zones. Puis, en guise de solution possible, proposer des actions innovantes en vue d’améliorer l’accessibilité à l’eau potable et de réduire l’incidence de la maladie sur les populations les plus démunies.
Dr Asende Ehebelo est médecin chef de la zone de santé de Fizi, territoire de plus de 400.000 habitants situé à plus de 250 km plus au sud de Bukavu, chef-lieu provincial. Il explique que la plus grosse partie du littoral de Fizi touchée par le choléra comprend les aires de santé comme Baraka, Kandali, Kalundja, Katanga, Malindé, Mshimbaki, Mwangaza et Sebele.
‘‘Nous rencontrons des problèmes sérieux d’accès à l’eau potable. Par exemple ici à Baraka, une cité qui compte une population de plus de 100 mille habitants, il n’y a que six puits de forage fonctionnels sur les vingt-deux construits; conséquence de cette situation, la population est contrainte de boire de l’eau insalubre du lac Tanganyika, considéré comme le réservoir environnemental du vibrion’’, explique ce médecin natif de Fizi, et fin connaisseur des habitudes de sa région.
C’est pour cela, poursuit-il, qu’il a été ‘‘mis en place un système d’alternance lors de la distribution d’eau à partir de ces bornes fontaines, allant de 8h à 10h de l’avant et de 16h à 18h de l’après-midi, pour nous assurer du bon approvisionnement en eau de nos populations, en raison de la faible pression lors du pompage manuel de l’eau des puits’’, précise le Dr Asende.
‘‘Les sites d’urgence destinés à la chloration de l’eau ne sont pas non plus permanents et en grand nombre. On les réactive pendant les flambées épidémiques, mais il arrive qu’on connaisse aussi des ruptures de stocks de purifiants et Aquatabs’’, note-t-il encore.
L’OMS qui se dit ‘‘préoccupée par ces épidémies à répétition en cours ainsi qu’aux besoins urgents qui se présentent pour endiguer le choléra dans cette partie de l’Est de la RDC,’’ entend renforcer également son plaidoyer pour des campagnes ciblées de vaccination orale contre le choléra dans les aires de santé les plus à risque, et où les populations demeurent annuellement exposées aux flambées récurrentes de la maladie.
‘‘Mais ce ne sera qu’une solution complémentaire, car rien ne remplace un investissement adéquat pour fournir de manière pérenne l’eau potable, à l’instar des mini-centrales solaires pour l’adduction d’eau de boisson qui ont été installées, avec l’appui de la coopération japonaise à Kisenso, une zone de santé de la ville de Kinshasa pour desservir les quartiers défavorisés’’, soutient le Dr Vital Mondonge, en charge de la surveillance des épidémies et du Règlement Sanitaire International (RSI), à l’OMS en RDC.
A Baraka, grosse cité de plus de 100 mille habitants et principale agglomération du territoire de Fizi, tout comme dans le reste des zones rurales défavorisées de la région, il manque également des latrines hygiéniques. Le sol y est sablonneux et ne facilite pas la construction des toilettes viables d’une profondeur acceptable.
“Trois-quarts des habitants de la partie littorale du lac n’ont pas accès à des toilettes. Beaucoup d’entre eux défèquent à l’air libre ; et en cas des pluies abondantes, tout se déverse dans le lac Tanganyika’’, indique Bibiche Mastadjabu Malombi, infirmière dans un Centre de traitement du choléra (CTC) de Baraka, mis en place par Médecins Sans Frontières/Hollande pour les soins curatifs. Un autre CTC se trouve dans l’aire de santé de Sebele, à une quinzaine de kilomètres de Baraka, toujours sous la gestion du même partenaire.
Le travail de sensibilisation pour favoriser les meilleures pratiques en santé est une des activités clés, notamment pour encourager l’hygiène individuelle et collective, l’engagement à la fois des autorités locales et des communautés. Il s’agit surtout de renforcer les activités de la prévention pour convaincre davantage la population à ne pas consommer l’eau insalubre du lac.
‘‘La couverture en eau potable est certes basse dans la zone, mais le fait qu’il y a moins de décès lors des flambées épidémiques du choléra fait croire peut-être aux gens qu’on ne meure pas de cette maladie ici. Notre rôle est de réveiller la conscience collective des gens sur la perception du risque du choléra et d’intensifier la sensibilisation pour casser cette mauvaise conception des choses’’, note de son côté Lucie Carlier, Directrice de terrain en charge de l’Administration et de la logistique chez Solidarités International basée à Baraka.
Lors de sa mission sur le terrain, l’équipe de l’OMS a eu à échanger avec les autorités politiques et administratives de Fizi, Baraka, Nundu, Uvira ainsi que des partenaires locaux et internationaux engagés dans la gestion et la préparation de la réponse du choléra. L’essentiel des discussions tournait autour des perspectives constructives et des actions durables pour l’élimination du choléra dans la région, et d’interrompre ce phénomène cyclique.
D’autant plus que, ‘‘chaque année, nous réagissons souvent quand l’épidémie s’est déjà installée, et nous courons derrière celle-ci avec les maigres moyens à notre disposition,’’ s’inquiète pour sa part M. Luhanusha Mimelelwa, Chef du Secteur de Mutambala (dans la cité de Baraka), qui dit toute sa reconnaissance aux partenaires présents dans son entité pour l’appui permanent qu’ils fournissent pour une riposte efficace.
Pour l’OMS, les priorités sanitaires et les stratégies à long-terme pour juguler ces épidémies qui se sont installées - dans la durée dans cette région lacustre de plusieurs kilomètres le long du Tanganyika - reposent entre autres sur les points clés ci-après :
- Amélioration de la couverture en eau potable, de l’hygiène et de l’assainissement pendant l’épidémie de choléra;
- Planification et installation des mini-centrales solaires adaptées à ce type de milieux permettant l’approvisionnement durable et à moindre coût en eau potable ;
- Promotion d’un programme de construction des latrines hygiéniques et viables ;
- Elaboration d’un programme de communication du risque efficace et de la surveillance à base communautaire prenant en compte les résultats des enquêtes et études réalisées à ce sujet ;
- Mise en œuvre de la vaccination orale contre le choléra dans les aires de santé les plus affectées (à Baraka) ou dans celles exposées à un risque très élevé de la propagation de l’épidémie dans la zone de santé de Fizi.
Ces épidémies cycliques de choléra à Fizi et à Uvira - et un peu partout dans la région ‘‘montrent à quel point il est crucial pour l’OMS de mobiliser tous ses partenaires pour l’obtention des ressources additionnelles, afin de trouver des solutions innovantes à ce type de défis pour l’accessibilité à l’eau sûre et à des latrines hygiéniques à coût abordable’’, a souligné le Dr Mondonge.
Pour lui, “ceci ne pourra se réaliser qu’en déployant également des ressources financières significatives permettant l’installation de ces mini centrales solaires d’adduction d’eau pour une meilleure réponse d’urgence aux épidémies” susmentionnées, ainsi que leur gestion et contrôle efficace.
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Pour plus d'informations, prière de contacter:
Contacts médias
Eugene Kabambi, chargé de Communication, kabambie [at] who.int (kabambie[at]who[dot]int)
Contacts techniques :
Dr Vital Mondonge, chargé de la Surveillance & RSI, OMS RDC, mondongemakumav [at] who.int (mondongemakumav[at]who[dot]int)
Dr Makakala Muhululu, chargé des Urgences, OMS, Province du Sud Kivu, makakalamuhululu [at] who.int (makakalamuhululu[at]who[dot]int)
Ci-dessous:
Photo 1 - A Baraka les habitants se ruent sur les quelques bornes fontaines fonctionnelles pour sapprovisionner en eau
Photo 2 - Un agent chargé de la chloration de leau au large du lac Tanganyika à Baraka_ où la population vient régulièrement puiser leau
Photo 3 - Les habitants de lAire de santé de Mshimbaki suivent attentivement la sensibilisation sur les mesures dhygiène à observer pour mieux se protéger contre le choléra