Rapport de la cartographie des acteurs impliqués dans l'éducation à la santé reproductive des adolescents et des jeunes et évaluation de son état de mise en œuvre au Niger
Au Niger, la santé reproductive des adolescents et des jeunes a depuis plusieurs décennies été au coeur des grandes préoccupations des plus hautes autorités politiques. L’on se souviendra encore longtemps de l’appel lancé à Matameye (région de Zinder), par le feu Président de la République, le Général de Brigade Seyni Kountché. En effet, eu égard aux nombreuses grossesses constatées chez des adolescentes et des jeunes, souvent scolarisées, avec tout ce qu’elles ont engendré comme conséquences à savoir les abandons scolaires, le rejet par la famille, les avortements à risque, les infanticides, les suicides, etc…., le président S. Kountché a, en février 1985, lancé l’Appel dit de Matameye, pour inviter les parents d’élèves et les responsables du système éducatif à plus de responsabilité dans la sécurisation des adolescents et des jeunes, en l’occurrence les filles. Depuis cet appel historique, tous les documents stratégiques nationaux d’orientation (plans quinquennaux, déclarations de politique sectorielle de santé, plans de développement sanitaire, loi d’orientation du système éducatif national, déclarations de politique générale des différents gouvernements, loi d’orientation du système éducatif, PDES), etc…, ont toujours fait une mention spéciale sur la situation sanitaire et sociale des adolescents et des jeunes. C’est dans cette foulée, qu’en avril 1988, ont été adoptés les premiers textes juridiques relatifs à la contraception volontaire, y compris chez les personnes non mariées, moyennant évidemment un certain nombre de conditions.
Mais, force est de constater que la proportion des adolescents et des jeunes n’a cessé de s’accroitre de manière exponentielle au Niger, pour atteindre le record actuel de 52% des nigériens âgés de moins de 15 ans dans la population générale. Cette poussée démographique de la population nationale immature, engendre des conséquences négatives sur tous les secteurs sociaux et de développement à une plus large échelle, complexifiant ainsi les efforts menés pour leur assurer une meilleure santé de la reproduction. De nombreuses initiatives ont donc été entreprises par l’Etat et ses partenaires depuis 1988, pour espérer permettre aux adolescents et aux jeunes de passer cette période de turbulence avec la meilleure santé génésique possible. Mais, le contexte socioculturel du Niger reste encore très peu perméable à toute initiative visant à permettre aux adolescents et aux jeunes de mieux comprendre leur corps, de mieux appréhender les transformations qu’il subit du fait de leur âge et de mieux cerner les risques sanitaires et sociaux qui peuvent leur être liés. Par conséquent, les programmes de communication les plus élaborés ont buté à des résistances diverses émanant des parents, des associations des parents d’élèves, des organisations confessionnelles et religieuses, de certains médias et souvent des élèves eux-mêmes, induisant souvent la suspension voire l’arrêt pur et simple d’initiatives pourtant salutaires pour les plus jeunes.
Parler donc de sexe et de tout ce qui lui est proche est encore considéré au Niger comme un sujet tabou ! Pourtant, les cas d’attentats à la pudeur, de viols, de harcèlements sexuels, d’IST/VIH, de transactions sexuelles y compris en milieu scolaire, de grossesses hors mariages, d’abandons scolaires du fait des grossesses non planifiées ne sont pas une exception au Niger. Cette situation peu reluisante et n’épargnant personne, doit-elle encore perdurer sous nos regards indifférents ? Assurément non, car un atelier de validation de la feuille de route pour l’opérationnalisation de l’éducation complète à la santé de la Reproduction des Adolescents et des Jeunes s’est tenu en mai 2018, à Niamey. Cette rencontre a regroupé des acteurs tant étatiques que de la société civile actifs dans le domaine de la santé de et de l’éducation sexuelle. Le but de l’atelier a été de contribuer au renforcement de l’engagement de la société civile dans le repositionnement de la PF en Afrique de l’Ouest pour l’atteinte des objectifs du Partenariat de Ouagadougou.
Au Niger, 69% de la population est âgée de moins de 25 ans dont 74,2% est comprise entre 14 et 19 ans (source : PSNSAJ 2017-2021). Cette frange de la population a besoin de disposer d’un programme de santé de la reproduction (SR) accessible et surtout pour susciter les adolescents et jeunes à adopter des comportements sains et responsables. La rencontre de Niamey a fait suite à l’atelier technique régional tenu sur cette thématique en février 2018 à Abidjan, au cours duquel chacun des quatre (4) pays concernés (Bénin, Côte d'Ivoire, Togo et Niger) avait élaboré une feuille de route et s’était engagé à organiser sa validation au niveau national, dans le but de disposer d’un référentiel national pour la mise en oeuvre de l’ECS. Ce processus a été appuyé par le Projet Civil Society for Family Planning (CS4FP Plus) avec le soutien technique du MES et du MSP.
Lorsque les premiers cours d’éducation sexuelle ont été introduits au Niger, il y eut une vive réaction de la part de certains chefs religieux, à tel point que le gouvernement a retiré ces modules des programmes des écoles. En plus des leaders religieux, les parents s’étaient aussi opposés à ce qu’ils considéraient comme une incitation de leurs enfants à la débauche. Mais, il s’est avéré que les besoins des adolescents et jeunes en informations dans ce domaine n’étaient pas satisfaits. L’Etat s’est donc engagé à mettre en oeuvre un programme d’ECS pour corriger cette lacune. Dès lors, le programme ne s’appelait plus ECS, mais a été rebaptisé « Éducation à la santé de la reproduction des adolescents et des jeunes ». Le projet CS4FP Plus a adapté en partenariat avec le MES les modules d’éducation pour veiller à ce qu’ils soient complets et correspondent à la réalité socioculturelle propre au Niger. La mise en oeuvre des modules d’ESRAJ a débuté dans les établissements secondaires des régions de Tillabéri, Zinder et Agadez grâce au soutien financier de l’UNFPA et du gouvernement hollandais.
Il est cependant important de faire en sorte que les quelques jeunes qui viennent au centre de santé puissent recevoir des services de SR adaptés à leurs besoins spécifiques. Comme on peut le constater, ce programme d’ESRAJ prend faiblement en compte les jeunes exclus du système scolaire. De nombreux autres défis émaillent la disponibilité et la qualité des services d’ESRAJ au Niger, alors que les besoins existent. Pourtant, la vision nationale en matière de SAJ est de « Faire du Niger, une nation libre et prospère où tous les adolescents et jeunes jouissent de leurs droits en matière de santé, et oeuvrent comme pilier essentiel du développement économique, social et culturel », (source : PSMSAJ, 2017-2021).