Lutte contre le VIH/SIDA au Burundi : les jeunes à l’avant-garde !
A voir leur santé vigoureuse et resplendissante, leur état d’esprit d’une positivité à nulle autre pareille, vous n’imagineriez jamais que ces deux jeunes femmes portent en elles le fameux virus du VIH. Et pourtant cela fait plus de 15 ans et 20 ans que Marie-Louise et Audrey se battent quotidiennement contre le mal du siècle. « Le VIH est devenu au fil des temps mon ami intime, car j’ai appris à accepter mon sort et à vivre avec », confie Marie-Louise, 27 ans psychologue. Depuis sa naissance, Marie-Louise n’a jamais été malade, bien que portant le virus en elle. C’est à l’âge de 13 ans que son statut sérologique lui a été révélé. « Je suis née avec le VIH qui m’a été transmis par ma mère. Je ne l’ai su qu’après le décès de mes deux parents qui ont succombé à la maladie. Je vivais chez ma grande sœur qui, sans rien me dire, me donnait des médicaments sans que je ne sache pourquoi. Un jour, elle m’a envoyée à l’hôpital pour le test, certainement pour confirmer que je portais le virus. Les résultats ont révélé que j’étais séropositive. Ce fût le plus grand choc de ma vie », raconte Marie-Louise dont l’histoire n’est pas différente de celle de Audrey. Agée aujourd’hui de 35 ans, Audrey a découvert sa séropositivité à l’âge de 15 ans, infectée aussi par transmission de la mère à l’enfant. Mais contrairement à Marie-Louise le statut sérologique de Audrey lui fût révélée suite à des maladies opportunistes qui ont affecté sa santé. « J’ai reçu cette nouvelle comme un ouf de soulagement. J’étais tout le temps malade sans que je ne sache de quoi je souffrais. Cette annonce m’a permis de prendre mes dispositions par rapport à la maladie et d’y faire face comme il se doit », nous apprend Audrey.
Pendant de nombreuses années et à l’âge où l’on prend des résolutions pour construire sa vie, ce fut une véritable traversée du désert pour Marie-Louise et Audrey. Mais les deux jeunes femmes ont pu surmonter les difficultés inhérentes à la maladie grâce au soutien de leurs proches. « Après que ma séropositivité ait été sue, je n’ai jamais souffert grâce au soutien et à l’aide moral et psychologique des miens ; aussi bien ma famille biologique que mes amis à l’école. Ce qui m’a permis de tenir bon », déclare Audrey. Et à Marie- Louise de renchérir « mon premier soutien fût celui de ma sœur, grâce à qui mon statut sérologique a été confirmé. C’est elle qui m’a prise sous ses ailes, m’a suivie dans mon traitement et me donnait beaucoup de conseils. Elle m’a aussi raconté l’histoire de mes parents qui sont morts de la maladie. Cet accompagnement psychologique et affectif m’a vraiment aidé à accepter mon sort et à vivre avec. »
Fort de ce soutien apporté par leurs familles et amis, elles ont pu assidûment suivre leur traitement et avoir ainsi une charge virale indétectable.
Dès lors Marie-Louise et Audrey ont pris la résolution de s’engager activement dans la lutte contre le VIH/SIDA. Elles ont œuvré à la création du Réseau national des jeunes vivants avec le VIH/SIDA, dont Marie-Louise est la Représentante légale et Audrey la Directrice exécutive nationale. Depuis 2014, elles participent à la sensibilisation et à la prise en charge des jeunes. « Le véritable problème auquel les jeunes vivants avec le VIH sont encore confrontés au Burundi est la stigmatisation. Il y a des familles au sein desquelles les jeunes séropositifs sont marginalisés et rejetés. A travers le réseau, nous essayons de faire de la sensibilisation pour changer la mentalité des gens par rapport à la maladie. Grâce aux témoignages que nous faisons sur notre propre situation, notre propre vie, nous apportons un accompagnement social et moral. Nous militons également pour que, pas seulement les jeunes, mais tout porteur du virus ait accès au traitement où qu’il se trouve et sans discrimination aucune », explique Marie-Louise. Quant à Audrey : « le réseau participe beaucoup à l’épanouissement des jeunes en leur permettant de connaître leur état sérologique, à travers le centre de dépistage volontaire et de prise en charge mis à leur disposition. Avant, ils allaient dans des centres publics où ils sont souvent mal accueillis. Ce qui leur sapait le moral et ne leur permettait pas de suivre correctement le traitement. L’autre chose est que le centre est géré par les jeunes. Ils sont ainsi mis en confiance et se sentent plus acceptés et écoutés. Au niveau du centre, les jeunes ont accès à internet et utilisent les réseaux sociaux pour s’informer sur le VIH et la santé sexuelle reproductive et sensibiliser leurs pairs ».
Le Réseau National des jeunes vivants avec le VIH a créé un cadre de dialogue à travers le Forum National des Jeunes vivants avec le VIH pour donner l’opportunité aux jeunes du fin fond du pays afin qu’ils puissent s’exprimer et partager les défis auxquels ils sont quotidiennement confrontés. « Je voudrais remercier nos différents partenaires comme le Ministère de la Santé Publique et de la Lutte contre le Sida, ONUSIDA, UNFPA et l’OMS qui nous appuient dans nos différentes activités, et leur demander de continuer de nous accompagner afin que nos actions permettent de contenir le VIH d’ici 2030 » a plaidé Audrey.
Pour Marie-Louise et Audrey, s’il est pour le moment difficile d’affirmer si les actions menées depuis la création du réseau des jeunes vivants avec le VIH (RJVVIH) ont porté des fruits en aidant à infléchir le taux de contamination, les deux jeunes dames sont tout même unanimes que les efforts entrepris ont permis de conscientiser davantage les jeunes à accepter leur statut et à suivre scrupuleusement leur traitement pour vivre convenablement bien qu’étant porteur du virus.
Pour ce faire et à l’occasion de l’édition 2022 de la Journée mondiale de lutte contre le sida, les deux dames en appellent à la population burundaise en général et aux jeunes en particulier de connaître leur état sérologique en se faisant dépister et se mettre au traitement, qui est disponible gratuitement auprès de tous les centres de prise en charge de la maladie, au cas où le résultat serait positif.