Un médecin vous raconte les moments difficiles et joyeux de la lutte contre la maladie à virus Ebola à Goma.
Depuis décembre 2018, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et d’autres partenaires ont travaillé en collaboration avec le gouvernement de la RDC pour faire face à une éventuelle épidémie Ebola à Goma. Le Dr Ramazani Kalumbi Ramses est chargé de la surveillance épidémiologique pour l’OMS à Goma. Il supervise 17 zones sanitaires. Il raconte comment il a géré le premier cas de maladie à virus Ebola à Goma.
Goma est un important pôle commercial de l’Est de la RDC et des milliers de personnes y voyagent en provenance des zones épidémiologiques de virus Ebola. Le risque de pénétration du virus Ebola dans la ville est élevé. Ainsi, nous nous y sommes préparés.
Nous avons créé un système d’alerte, formé plus de 300 enquêteurs, 1700 agents de santé communautaire, plus de 2000 soignants et guérisseurs traditionnels et plus de 300 traceurs chargés du suivi des contacts des patients infectés par le virus Ebola confirmés. Nous avons créé 17 points d’entrée et de contrôle autour de la ville de Goma. Nous avons déployé une cellule de recherche des contacts non identifiés et perdus, une équipe qui suit tous les contacts manquants[les personnes ayant pu être exposées au virus] des zones sensibles et les renvoie dans leur zone sanitaire pour le reste de la durée de leur suivi.
Dans ce processus, nous avons reçu plusieurs alertes [cas possibles] depuis des mois, mais tous les résultats étaient négatifs concernant la maladie à virus Ebola. Nous savions que c’était une question de temps, mais notre préoccupation – l’OMS et le gouvernement – était de savoir si nous serions prêts. Identifierions-nous rapidement le patient, l’isolerions-nous et le traiterions-nous tout en arrêtant la propagation du virus dans une si grande ville ?
Alors, arriva le jour fatidique : dimanche 14 juillet
L’un de nos jeunes enquêteurs nous a appelé pour nous décrire un patient suspect qu’il venait d’examiner et nous a demandé de vérifier s’il était inscrit comme contact à Butembo, l’une des zones sensibles à Ebola. Nous avons vérifié, mais il n’était pas sur ces listes.
Le patient était un pasteur arrivé de Beni via Butembo [les deux points sensibles à Ebola]. Il est arrivé à Goma ce jour-là par bus et s’est rendu chez un autre pasteur qui lui a demandé d’aller dans un centre de santé parce que son état de santé n’était pas bon. Arrivé au centre de santé d’Afia Himbi, il a trouvé du personnel formé au traitement de la maladie à virus Ebola, qui a immédiatement signalé le cas au centre d’alerte. Le patient a été examiné et transféré au centre de traitement Ebola à Goma. Le patient a proposé de soudoyer l’agent de santé et l’enquêteur pour pouvoir être soigné à domicile, mais heureusement, ceux-ci ont refusé cette proposition et lui ont fait comprendre qu’il recevrait de meilleurs soins au centre de traitement Ebola. Le patient a été isolé pour traitement moins de trois heures après son arrivée en ville. Dès lors, il constituait un cas suspect en attendant les tests du laboratoire.
Vers 17 heures, j’ai reçu un appel téléphonique au cours duquel le coordinateur gouvernemental déclarait que nous avions un cas confirmé de maladie à virus Ebola. Je lui ai demandé s’il s’agissait du pasteur. Oui, a-t-il répondu.
Bien que déçu qu’Ebola la ville ait fini par atteindre la ville, je savais également que c’était le moment auquel nous nous étions préparés. Nous sommes passés en mode crise. Les prochaines étapes étaient cruciales et devaient être bien menées. Il s’agissait d’arrêter la transmission du virus au sein de la population. D’abord, nous avons retracé l’itinéraire du pasteur, cherché le bordereau du bus et localisé tous les contacts du patient [voyageurs] et les avons vaccinés en 72 heures. Ces contacts feront l’objet d’un suivi de 21 jours pour surveiller leur état de santé. Le bordereau du bus obtenu n’avait pas tous les noms et numéros de téléphone, mais avec l’aide de la compagnie de bus, des travailleurs et des voyageurs, nous avons pu localiser tous les passagers. Nous avions de la chance que tous ceux que nous avons appelés aient répondu favorablement et accepté d’être vaccinés. Nous avons créé un climat de confiance qui nous a permis de localiser tous les passagers.
Deux femmes du village du patient avaient voyagé avec lui et avaient pris soin de lui pendant le voyage. Après avoir analysé les risques et mené des enquêtes, nous avons décidé de renvoyer ces femmes chez elles à Beni, où elles devaient être prises en charge et suivies. Malheureusement, l’une d’entre elles a contracté le virus Ebola à Beni et en est décédée. Son retour à Beni nous a permis d’éviter un deuxième patient Ebola à Goma.
Deuxième jour : le 30 juillet
Le soir du 29 juillet, j’ai reçu l’appel d’un enquêteur me demandant de vérifier les listes de contacts de l’Ituri [une autre zone sensible Ebola] concernant un patient qui venait de recevoir des soins dans un dispensaire à Nyiragongo, à la banlieue de Goma. Celui-ci ne figurait pas sur les listes et n’avait aucun lien avec le premier cas à Goma.
Le matin, le laboratoire a confirmé que ce patient souffrait de la maladie à virus d’Ebola. Nous avons rendu visite à sa famille et trouvé deux de ses enfants présentant des symptômes et nous les avons emmenés au centre de traitement, mais un seul d’entre eux était atteint. Le lendemain, son épouse présentait des symptômes et a été emmenée au centre de traitement. Elle souffrait de la maladie à virus Ebola.
À partir de ces trois patients confirmés, nous avons trouvé en tout 235 contacts qui ont été vaccinés et suivis, dont 202 résidaient dans la même zone de santé. Le père a succombé à la maladie, ce qui a causé d’énormes souffrances à sa famille, à la communauté et à ceux d’entre nous qui travaillaient avec eux. Nous rendions visite à la famille tous les jours pour la consoler et essayer de sauver la vie des autres proches malades.
Enfin, un jour de joie : le 13 août
Pendant toute la durée d’hospitalisation de ces patients, les équipes de soins médicaux ont fait du bon travail. Ils les ont traités grâce au nouveau médicament qui s’est avéré très efficace. Le résultat du test était négatif pour la mère et le fils qui ont guéri en 12 jours. C’est une immense joie pour nous de voir cette mère et son enfant revenir dans la communauté, guéris de la maladie. Nous avons aussi vu les voisins joyeux. Nous avons chanté et dansé ensemble. C’est la victoire de toute une communauté, qui a choisi de respecter les règles d’hygiène et les conseils des équipes de riposte et qui donne l’espoir de la fin de la flambée de cette épidémie dans son village.
Un jour comme celui-ci est inoubliable. De tels jours nous motivent et donnent de l’espoir à toute une ville. C’est une victoire, mais la bataille n’est pas encore terminée. Nous restons focalisés sur notre objectif d’en finir complètement avec cette dixième épidémie d’Ebola.
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