Message de la Dre Matshidiso Moeti, Directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique
Au cours des dernières décennies, le paludisme est resté un problème de santé prioritaire dans la Région africaine. Il demeure une cause majeure de maladie, d’hospitalisation et de décès, en particulier chez les jeunes enfants et chez les femmes enceintes. Nous apprécions à leur juste valeur les progrès accomplis au cours des deux dernières décennies.
Depuis 2000, le monde a mobilisé plus de 50 milliards de dollars É.-U.1 pour soutenir les efforts de lutte contre le paludisme et d’élimination de cette maladie, ce qui a permis d’éviter 2,1 milliards de cas de paludisme et 11,7 millions de décès associés à ce fléau entre 2000 et 2022.2 Cet investissement a réduit de moitié le taux de mortalité due au paludisme, qui est passé de 29 décès pour 100 000 habitants à risque en 2000 à 14,3 décès pour 100 000 habitants à risque en 2022, malgré la pandémie de COVID-19.
Nous avons enregistré des jalons importants vers l’élimination du paludisme. La République de Cabo Verde a récemment été certifiée exempte de paludisme en janvier 2024, après l’Algérie en 2017. En 2023, l’OMS a approuvé le R21/MatrixM, le deuxième vaccin antipaludique après le RTS,S (qui a été approuvé en 2021). Ces deux vaccins seront déployés dans 19 pays de la Région africaine cette année et offriront un nouvel espoir à des centaines de milliers d’enfants qui risquent de mourir des suites de paludisme.
À mesure que les pays enregistrent des avancées, les familles en tirent des dividendes sous la forme d’un bien-être accru.
Charity Damoah, une femme de 36 ans, ne compte plus le nombre de fois où elle a été hospitalisée à cause d’un épisode de paludisme pendant son enfance à Sunyani, dans la région de Bono (Ghana). Mais les choses sont différentes maintenant pour John, son fils de deux ans qui n’a jamais contracté le paludisme parce qu’il a pris des médicaments préventifs, dort sous une moustiquaire imprégnée d’insecticide et a reçu ses vaccins.
Cependant, la Région africaine est à la croisée des chemins dans la lutte contre la maladie : notre Région abrite en effet vingt des pays les plus impaludés3 – qui représentent plus de 85 % de la mortalité et de la mortalité palustres dans le monde. Cette situation s’explique par de multiples problèmes tels que les phénomènes météorologiques extrêmes, les conflits et les crises humanitaires, les contraintes budgétaires, les menaces biologiques et les inégalités.
Avec la communauté internationale, nous célébrons cette 17e Journée mondiale de lutte contre le paludisme, qui est organisée sur le thème : « Accélérer la lutte contre le paludisme pour un monde plus équitable ». Le thème retenu pour l’édition de cette année souligne la nécessité d’assurer une prestation continue et équitable des services de lutte antipaludique au bénéfice de toutes les personnes qui en ont besoin, malgré les contraintes financières, en garantissant une couverture appropriée des populations les plus vulnérables et à risque par des interventions efficaces.
Le dernier Rapport sur le paludisme dans le monde montre comment le paludisme touche de manière disproportionnée les groupes vulnérables tels que les jeunes enfants, les femmes enceintes, les communautés rurales et les personnes déplacées.
Les nourrissons et les jeunes enfants représentent environ 80 % de la mortalité, tandis que des études montrent que les enfants de moins de cinq ans issus des ménages les plus pauvres d’Afrique subsaharienne ont cinq fois plus de chances d’être infectés par le paludisme que les enfants issus des ménages les plus riches.
Outre les enfants et les femmes, d’autres groupes à haut risque tels que les réfugiés, les migrants et les personnes déplacées dans leur propre pays ont été répertoriés dans certaines régions.
Entre 2019 et 2022, quarante et un pays d’endémie palustre ont connu des situations d’urgence humanitaire et sanitaire, et quelque 258 millions de personnes avaient besoin d’aide à cause des situations d’urgence sanitaire et humanitaire survenues en 2022 seulement. Ces personnes ont en effet un accès limité aux services de santé et ont besoin d’interventions adaptées à leurs besoins.
Le fait de donner aux populations les moyens de comprendre et d’exercer leurs droits à la santé moyennant une participation constructive, la responsabilisation et la transparence dans les processus de prise de décision peut accroître la demande de services de santé de qualité et améliorer l’impact des interventions.
La Région africaine de l’OMS soutient des initiatives stratégiques visant à maintenir et à entretenir le déploiement équitable des services de lutte contre le paludisme et d’élimination de cette maladie. Premièrement, en 2018, l’OMS et le Partenariat RBM pour en finir avec le paludisme ont mis sur pied le projet « D’une charge élevée à un fort impact », fondé sur une approche ciblée et axée sur les données afin de lutter de manière durable et équitable contre le paludisme dans les pays où la charge de morbidité palustre est la plus élevée. Grâce à l’approche « D’une charge élevée à un fort impact », les pays touchés par le paludisme ont lutté contre la maladie en déterminant les personnes qui en souffrent le plus et en faisant un effort ciblé pour les atteindre avec des ensembles personnalisés d’interventions et de services fondés sur les données locales et sur le contexte local de la maladie.
Les Ministres de la santé représentant les pays fortement touchés par le paludisme se sont réunis à Yaoundé en mars 2024 pour renouveler leur engagement en faveur du principe fondamental selon lequel personne ne devrait mourir du paludisme, au regard des outils et des systèmes disponibles.
Avec nos partenaires, nous fournirons un appui à ces pays et à d’autres afin qu’ils puissent adapter les cadres nationaux de suivi et d’évaluation pour traduire ces engagements en actions concrètes.
Deuxièmement, avec nos partenaires, nous avons mis en œuvre des interventions éprouvées, éclairées par des données probantes et par leur sensibilité aux environnements locaux. En 2022, en tout 260 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticide ont été distribuées en Afrique subsaharienne, ce qui signifie que 70 % des ménages disposent d’au moins une moustiquaire imprégnée et que 56 % des enfants de moins de cinq ans et des femmes enceintes dorment sous une moustiquaire imprégnée d’insecticide. La pulvérisation intradomiciliaire à effet rémanent a également été utilisée dans quelques pays de la Région. À ce jour, 35 pays africains ont adopté le traitement préventif intermittent chez les femmes enceintes, et l’on estime que 42 % des femmes enceintes à risque de paludisme reçoivent trois doses du traitement préventif.
Cependant, la couverture reste bien inférieure à la cible fixée à 80 %. La chimioprévention du paludisme saisonnier a été appliquée dans 17 de nos États Membres, et le nombre moyen d’enfants traités par cycle a atteint 49 millions en 2022. La disponibilité des tests de diagnostic rapide et des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine a augmenté en 2022 ; 90 % et 97 % des quantités mondiales de ces tests de diagnostic et combinaisons thérapeutiques ont été distribuées en Afrique subsaharienne.
Troisièmement, avec nos partenaires, nous soutenons l’innovation et la recherche pour que de nouvelles stratégies et de nouveaux outils ciblant les groupes vulnérables puissent être mis au point, approuvés et déployés rapidement en vue d’une utilisation en santé publique. Compte tenu de ce qui précède, nous continuerons de soutenir le déploiement du vaccin antipaludique au travers de notre initiative stratégique dénommée « Introduction et déploiement accélérés de vaccins antipaludiques en Afrique » (AMVIRA), qui est une plateforme multipartenaires conçue pour mobiliser une assistance technique et financière destinée aux pays en vue d’assurer une couverture optimale de tous les enfants remplissant les conditions requises. Nous apporterons aussi à nos États Membres un appui dans l’utilisation des deux nouvelles classes recommandées de moustiquaires imprégnées d’insecticide à double action et dans le cadre d’autres interventions de lutte antivectorielle visant à accroître l’effet contre les vecteurs du paludisme résistants aux pyréthrinoïdes.
Enfin, nous avons réalisé tous ces progrès grâce au leadership des gouvernements, à la solidarité mondiale et aux ressources essentielles mobilisées par les pays comme par leurs partenaires.
Je remercie le Fonds mondial, l’Initiative du Président des États-Unis contre le paludisme, Gavi, l’Alliance du vaccin, la Fondation Bill et Melinda Gates et d’autres partenaires bilatéraux de développement qui ont mobilisé des ressources financières et techniques pour aider nos États Membres à continuer à fournir des services de lutte contre le paludisme aux communautés touchées. Nous favoriserons des partenariats efficaces et renforcerons la coordination de la riposte régionale au paludisme.
La Journée mondiale de lutte contre le paludisme nous permet de renouveler les engagements politiques et de donner un coup de fouet aux investissements dans la lutte antipaludique.
J’exhorte les gouvernements de nos États Membres, les communautés touchées et les partenaires à continuer d’investir dans la lutte contre le paludisme et à édifier des systèmes de santé résilients, tout en consolidant les soins de santé primaires afin de garantir la disponibilité de services de qualité pour tous.
J’invite instamment les pays à se doter de systèmes de surveillance, de suivi et d’évaluation afin de produire des données fiables et infranationales pour cibler les interventions et adapter les services aux groupes les plus à risque, en accélérant les progrès vers l’atteinte des objectifs de développement durable.
Ensemble, nous pouvons accélérer nos efforts pour nous remettre sur les rails et faire advenir la vision d’une Afrique sans paludisme.