Semaine Africaine de la vaccination (SAV) 2023 : Sous le signe du « GRAND RATTRAPAGE » pour sauver davantage de vies
« J’avais 9 mois quand j’ai contracté la poliomyélite. Elle a commencé par des diarrhées un beau matin et le soir même, mes jambes étaient devenues flasques. Ce fût un choc pour mes parents et surtout ma mère qui a tout de suite compris ce qui m’arrivait. A cette époque, beaucoup d’enfants de mon âge souffraient de la même symptomatologie et nous n’étions pas vaccinés contre la polio, faute de disponibilité de vaccins. Le pays était en épidémie », se remémore Elodie* N. la quarantaine révolue, aujourd’hui cadre de son état et en parfaite santé. Même si elle avait floré le pire ! « Hospitalisée pour vomissements et paralysie de la jambe gauche qui était aussi atrophiée, le diagnostic fût posé immédiatement : paralysie due probablement au virus de la poliomyélite. Heureusement la prise en charge fût immédiate et mes parents ne se sont jamais découragés là où d’autres s’étaient réfugiés chez les tradipraticiens… ».
Si notre interlocutrice, originaire de Bujumbura, a pu échapper aux graves séquelles de la poliomyélite, ce ne fut pas le cas de plusieurs autres enfants qui connurent les conséquences invalidantes de cette pathologie. Ce témoignage de Dame Elodie N. édifie sur l’importance de la vaccination dans notre vie. Et c’est à juste titre qu’à l’occasion de la semaine africaine de la vaccination (SAV), elle conseille : « La prévention est la clé des soins de santé de base, faisons de la vaccination notre priorité ».
Un message qui sonne comme un slogan et s’aligne si bien sur le thème choisi cette année pour la SAV, à savoir : « Le grand rattrapage ». L’Objectif, pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à travers ce thème 2023, est « d’inverser les graves régressions en matière de vaccination de routine. Il faut se rappeler que 25 millions d'enfants n'ont pas reçu au moins un vaccin essentiel en 2021 et 18 millions d'enfants n'ont reçu aucun vaccin. L’initiative « Le grand rattrapage » ambitionne de vacciner des millions d'enfants et à dépasser les niveaux de vaccination d'avant la pandémie. Et la SAV 2023 est une bonne opportunité ». Objectif auquel adhère Dr Jean-Claude BIZIMANA, Directeur du Programme Elargi de vaccination (PEV) du Burundi : « Ce thème nous inspire qu’il faut mettre en place, dans notre pays, des stratégies nous permettant de récupérer la quasi-totalité (99%) des enfants zéro-dose et insuffisamment vaccinés ».
Pour Dr. Eugénie NIANE : « l’édition 2023 doit être placée sous le signe de la pandémie COVID 19 qui plombe l’accès aux services essentiels de base particulièrement la vaccination de routine, la résurgence des épidémies dans le monde et plus particulièrement de l’épidémie de poliomyélite et de rougeole dans certains pays Africains dont le Burundi. Cette situation montre l’urgence de rattraper les enfants zéro doses et sous vaccinés et de mener des stratégies avancées de vaccination au niveau des zones frontalières avec la RDC et la Tanzanie pour interrompre les chaines de transmission des maladies à potentiel épidémiques », soutient la responsable du pilier Santé reproductive, maternelle et néonatale au Bureau de l’OMS au Burundi, tout en insistant sur les avantages de cette campagne du « grand rattrapage » qui doit s’étendre sur toute l’année : « le grand rattrapage permettra aux pays de développer des stratégies nationales et locales pour toute l’année 2023 et au-delà dans le but de rattraper tous les enfants sous vaccinés ou zéro doses. L’analyse situationnelle de 2021 a permis de localiser déjà ces enfants. Les activités proprement dites seront identifiées et mises en œuvre en collaboration avec le PEV, les communautés et les autres partenaires (ONG et OSC) pour qu’aucun enfant ne soit laissé pour compte ».
Cette campagne est plus que nécessaire même si le Burundi connait ces dernières années quelques avancées au niveau de la couverture vaccinale comme le rappelle Dr. Jean-Claude BIZIMANA du PEV : « les couvertures vaccinales sont bonnes pour certains antigènes…On note une augmentation du pourcentage d’enfants complètement vaccinés : d’après l’enquête démographique de santé (EDS) de 2010 : 83% ont tous les vaccins avant 1 an. Pour 2016-2017 : 85% ont tous les vaccins avant 1 an, pendant que l’étude analyse équité dans la vaccination de 2018 indique que 87,0% des enfants ont reçu tous les vaccins recommandés par le PEV avant 1 an et 67,7% des enfants ont reçu tous les vaccins recommandés par le PEV avant 2 ans (Enfants Complètement vaccinés selon sa définition par le PEV). Selon l’enquête de couverture vaccinale (ECV) de 2022, la proportion d’enfants ayant reçu tous les vaccins avant leur 1er anniversaire est de 88,6% pour les 12 à 23 mois et 90,2% pour les 24 à 35 mois », explique Dr. BIZIMANA.
C’est dire donc que l’édition 2023 de la Semaine africaine de la vaccination qui intervient en pleine période d’épidémies de poliomyélite, de rougeole et de choléra dans le pays, permettra au Burundi de relever quelques grands défis qui entravent encore l’effectivité de la couverture vaccinale. Au nombre de ces défis nous pouvons citer, entre autres :
- La régression des performances de la vaccination avec un nombre important d’enfants zéro doses et d’enfants sous vaccinés notamment dans les communautés Batwa qui ont des difficultés pour accéder aux services de santé essentiels y compris la vaccination et des communautés religieuses résistantes à la vaccination ;
- Le flux migratoire important entre le Burundi et les pays frontaliers dont la RDC, la Tanzanie, l’Ouganda et le Rwanda avec augmentation des risques d’épidémies et de difficulté d’interruption de la chaine de transmission ;
- Les mauvaises conditions de vie (disponibilité de l’eau, hygiène et assainissement, pauvreté) ;
- Les performances insuffisantes de la surveillance active des maladies évitables par la vaccination (les cas de paralysie flasques aigues, de rougeole, de tétanos… qui existent dans la communauté ne sont pas suffisamment recherchés).
Face à ces contraintes, l’Organisation mondiale de la santé apporte son appui en vue d’atteindre une couverture vaccinale optimale. Ces appuis s’articulent autour de :
Renforcement des capacités du programme élargi de vaccination (PEV) en matière de planification et suivi de la mise en œuvre des interventions, gestion des données et élaboration des documents de soumission à GAVI entre autres ;
- Renforcement de la vaccination de routine à travers l’élaboration et la mise en œuvre des micro plans pro équité au niveau des districts sanitaires pour réduire les enfants zéro doses et les enfants sous vaccinés à travers le développement de stratégies locales de rattrapage et de participation inclusive des communautés ;
- Renforcement de la surveillance des maladies évitables par la vaccination (MEV) à travers la formation des agents de santé au niveau national et périphérique, la mise en place et le suivi des sites de surveillance environnementale, le transport des échantillons prélevés des cas de Paralysie Flasque Aigue (PFA) et des isolats des sites environnementaux vers le laboratoire d’Entebbe en Ouganda, la surveillance active des cas de PFA et de rougeole, la mise en place et le suivi des sites de surveillance sentinelle des cas de diarrhée à rota virus , de méningite et de rubéole.
A cet accompagnement continu s’ajoute la mise à disposition d’un expert polio pour aider le Burundi à faire face efficacement à l’épidémie déclarée dans le pays au début du mois de mars 2023.
Rappelons que la SAV est une manifestation annuelle organisée pendant la dernière semaine d’avril, en même temps que la Semaine mondiale de la vaccination (SMV) dont l’objectif principal est de renforcer les programmes de vaccination dans la Région africaine en sensibilisant davantage les populations (en particulier, les enfants, les femmes, les personnes déplacées internes et réfugiés, les populations nomades, etc.) à la nécessité et au droit d’être protégées contre les maladies évitables par la vaccination et ce, tout au long de la vie.